7 mois d'immersion en Italie, à Bologne. Expérience inoubliable dont ce blog n'est qu'un aperçu, j'ai essayé de partager avec le plus grand nombre mes découvertes, mes voyages, et quelques réflexions sur ce pays qui me fascine tant.

Mois après mois

03 mai 2006

Assistant d'assistants!

Désolé pour cette longue absence, mais figurez-vous que je vous écris de France!

Et oui, mon contrat à Bologne s'est terminé depuis peu, et devant mettre des sous de côté pour cet été, je suis rentré aussi sec (mais riche!) en France.

Ce dernier mois bolonais ayant été très chargés (sorties, voyages, travail), et la connexion Internet de mon voisin (dont je profitais allégrement) s'étant soudainement interrompue au beau milieu du mois, je n'ai absolument pas eu le temps de poster tous les messages que je souhaitais écrire avant de partir. Je continuerai donc à alimenter ce blog au moins pendant les mois de mai et juin (je serai aussi bien occupé jusque-là…).

Pour le moment, histoire de conclure mon expérience de lecteur de français (pour ceux qui n'ont pas tout suivi depuis le début, c'était la raison concrète de ma présence en Italie), voici un message qui intéressera peut-être les futurs assistants de français (en Italie ou pas).

J'ai décidé de ne pas la jouer solo, et de mettre en ligne une liste – non exhaustive – de mes activités faîtes en classe pendant cette année. Je me souviens m'être fait quelques frayeurs en n'ayant aucune idée pour les cours à venir, je pense donc que ça peut servir.

Le cours d'introduction, selon moi, est très important. J'ai tendance à penser qu'il détermine toute la future relation que l'on aura avec la classe, car c'est le moment où les élèves observent et testent.

J'avais déjà parlé sur ce blog de ce fameux premier cours (message Briser la classe du 14 octobre dernier). Mon objectif était de leur faire comprendre d'entrée de jeu qu'avec moi:

- On travaillerait,
- Si possible dans une ambiance sympa,
- Et qu'on ne parlerait pas des éternels clichés liés à la France (la baguette, Gérard Depardieu, et l'absence de bidet, pour ne citer que les plus célèbres en Italie). Le principe était donc de leur faire dire toutes les images, les objets, et bien sûr les personnes qu'ils associaient à la France. En retour, je leur faisais aussi la liste de ce que l'Italie évoquait immédiatement en France (pizzas, Laura Pausini, et les dragueurs, par exemple). Au-delà du côté comique de la chose, ils réalisaient surtout que la vision que l'on a d'un autre pays est forcément partielle et très limitée.

J'ai donc essayé, pendant mes 7 mois d'activité, de les surprendre, aussi bien dans la forme des cours que sur le fond des sujets traités, avec toujours l'idée de leur montrer la "vraie" France de 2006.

Supports musicaux
Mon deuxième cours, comme bien d'autres tout au long de l'année, s'est basé sur une chanson.
Etant moi-même un mélomane devant l'éternel, j'ai beaucoup utilisé la musique comme support.

Alors entendons-nous bien, je ne me suis jamais – sauf une fois, j'avoue la faiblesse – cantonné à leur faire écouter une chanson sans en faire autre chose. Je me suis imposé comme contrainte de ne pas considérer la musique comme une fin en soi, mais comme un moyen détourné de parler de thèmes par forcément attirants au premier abord. Quelques exemples.

La chanson du deuxième cours était donc:

SAEZ – Fils de France
Enorme succès avec cette chanson écrite à l'occasion des élections présidentielles 2002, où Le Pen était passé au deuxième tour. Elle permet de parler, indirectement, de la politique française (les grands noms, le système électoral, l'actualité …). Je dis bien indirectement, car il s'agit bien d'expliquer les paroles (les élèves avaient le texte) en apportant les éléments du contexte. Et pas le contraire (un cours sur la politique française illustré par la chanson). La différence peut sembler dérisoire, mais je vous assure qu'au niveau de l'intérêt et donc de l'attention de la classe, ça change tout. En plus, la chanson est très rock, et elle a majoritairement beaucoup plu en elle-même. Ils n'imaginaient pas qu'en France on avait ce type de musique (faut dire que sorti d'Alizée, ils connaissent pas grand-chose de notre musique ici!).

Toutes les autres chansons n'ont pas été faites à la suite les unes des autres. Je les regroupe juste pour faciliter la lecture.

ZAZIE – Tout le monde
Utilisée dans la foulée de "Fils de France", car le thème de la chanson est le même (le FN, la tolérance…). En plus, pas de paroles à comprendre (elle ne dit que des prénoms), et une musique assez entrainante. Un gros succès aussi. Et puis j'aime bien Zazie, alors pourquoi se priver…

LYNDA LEMAY – Les maudits français
M'a servi à introduire une leçon sur les DOM-TOM, et plus généralement sur les différents français parlés dans le monde. Accessoirement, cette chanson parle beaucoup de la nourriture française. Compréhension difficile due à l'accent québécois.

MYLENE FARMER – L"horloge
Cette chanson était la conclusion surprise d'un cours sur le poème L'Horloge de Baudelaire. Ils ont été marqués par la musique qui retranscrit assez fidèlement, il est vrai, l'atmosphère du poème (angoissante!). Bonne manière de sensibiliser à la musicalité des mots en français et de faire en sorte qu'ils se souviennent du poème. Et puis comme pour Zazie, j'aime beaucoup Mylène Farmer!

LES RESTOS DU CŒUR – La chanson des Restos
J'ai beaucoup hésité avant de faire ça parce que c'est un peu vieillot quand même. Et puis je l'ai tenté dans une classe qui a adoré la chanson, et me la chantait dans les couloirs les jours suivants. Je l'ai donc faite dans toutes les autres classes, et le succès s'est confirmé. Goldman, qui a écrit la chanson, aurait du succès ici! Permet de parler de la pauvreté en France, des Restos du Cœur, de Coluche… Chaque classe y a trouvé un intérêt différent, c'est marrant.

JACQUES BREL – Ne me quitte pas
Un monument de la chanson francophone (Brel était belge), cette chanson est assez généralement connue en Italie, même parmi les jeunes. C'est cette chanson pour laquelle je me suis cantonné à leur donner le texte, avec des trous, et ils devaient trouver les mots manquants. Rien de bien original donc, mais elle venait à la suite d'un autre cours sur l'amour en France (les noms des couples, comment ça se passe entre les jeunes, etc.). Certains ont aimé, d'autres moins. Je ne vous cache pas que j'ai été très touché par le mot que m'a donné une classe lors du dernier cours sur lequel il était écrit: "Cyriel ne nous quitte pas"…!!!

Support audiovisuel
Ayant à ma disposition un ordinateur portable, j'ai pu montrer quelques vidéos en cours.

J'ai d'abord diffusé un film, L'Enquête Corse, pour plusieurs raisons: les acteurs principaux, Christian Clavier et Jean Reno, sont "franchouillards" par excellence, les italiens connaissent et apprécient généralement Jean Reno, et puis l'action se déroule en Corse, culturellement assez proche de "leur" Sardaigne, ce qui permet de ne pas les perdre complètement.

Le film leur a beaucoup plu, surtout quand les personnages parlent corse, langue ressemblant à s'y méprendre à l'italien. Et puis c'est une histoire qui amène beaucoup de discussions (la notion de culture, celle d'identité, d'appartenance…). Je n'ai pas mis les sous-titres, essayant d'expliquer au fur et à mesure les scènes, avant ou après les avoir diffuser. J'ai par contre commis l'erreur de vouloir leur montrer l'intégralité du film. C'est impossible. A raison de trois scènes par cours (l'installation et les explications prennent un temps fou). Le hasard a voulu que mon ordinateur tombe en panne avant la fin de la projection du film.

Un autre support audiovisuel a été le journal télévisé. Après leur avoir expliqué le fonctionnement de la télévision en France dans ce qu'elle a de commun et de différent avec l'Italie, je leur ai montré quelques extraits de JT téléchargés sur Internet. Il fallait d'abord leur faire remarquer les différences de formes, et puis pour les classes plus avancées, je leur ai demandé d'essayer de comprendre quels étaient les sujets abordés.

Supports papiers
Avide d'actualité, j'ai été servi par une année riche d'évènements en France (la révolte des banlieues, les grèves contre le CPE…). La plupart du temps, je n'ai donc même pas eu à me creuser la tête pour trouver des articles pouvant les intéresser puisque la demande venait des élèves eux-mêmes. Soit je leur expliquais magistralement ce qui se passait en France, soit je les faisais travailler sur des articles de journaux.

Ils ont adoré travailler sur de vrais journaux, que j'avais ramenés de France. Le contact réel avec le journal les intéresse bien plus que n'importe quel article photocopié qu'on peut leur proposer. Ils sont très surpris par la petite épaisseur des journaux français par rapport aux journaux italiens, très garnis.

J'avais alors partagé la classe en plusieurs groupes, chacun travaillant sur un article (présélectionné) d'un journal. Le "chef" de chaque groupe devait ensuite aller présenter l'article à l'ensemble de la classe, en français bien entendu. Le travail en groupe est très productif, surtout quand on nomme un "chef" (sinon personne n'ose s'imposer et le travail n'avance pas).

A la suite de ce travail de présentation (qui permettait bien sûr de passer en revue les sujets d'actualité plus en vogue en France à ce moment-là), je leur faisais déduire l'orientation politique du journal, ce qui leur permettait donc d'avoir un petit aperçu de la presse française. Je me suis servi de ce travail pour proposer, plus tard, un travail de comparaison entre deux articles extraits du Figaro et de Libé, relatifs à la crise du CPE. Les différences de point de vue étaient flagrantes, et je les leur ai fait observer, toujours en petits groupes.

Pas de support
Les cours sans support sont délicats à mener, car ils se transforment bien souvent en longs monologues plutôt soporifiques pour les élèves. Pas toujours heureusement, je me souviens par exemple avoir parlé de la crise des banlieues de cette manière-là, pour répondre à leurs demandes régulières d'éclaircissement sur la situation.

La phonétique, en revanche, est une activité "sans support" idéale. Partant du principe que la prononciation correcte d'une langue est très importante, j'ai fait quelques "cours" de phonétique.

Les problèmes de prononciation du français des italiens sont toujours les mêmes: ils ne savent pas faire les nasales (in/un, en/an, on) et le "r" à la française. Pour les nasales, j'avais inventé trois phrases reprenant chaque son de manière très répétitive (du genre: "le chien Rintintin vient bien demain avec un copain…."), et je les faisais répéter pendant de longs ¼ d'heures (pas plus, après il y a surmenage!). Gros succès avec ça: ça les faisait rire, et ils étaient très contents que quelqu'un leur dise enfin comment "bien parler" français.

Et puis sans support, j'ai aussi fait un jeu, le "petit bac". Les colonnes étaient: "animaux en français", "prénoms français", et "verbes français". Gros succès, ils connaissent déjà le jeu en Italie. Et puis c'est le meilleur moyen d'avoir une classe ultra silencieuse: pendant qu'ils cherchent les mots, ils ne veulent surtout pas que l'autre groupe entende! Par contre ne faîtes pas l'erreur de mettre la colonne "personnage célèbre", ils ne mettent que des chanteurs et des stars italiens!

Voilà. En conclusion, voici les conseils que je donnerais à un futur assistant.

La chose la plus importante selon moi, c'est qu'un assistant ne doit jamais oublier qu'il n'est pas un prof. C'est-à-dire que son rôle n'est pas de suivre un programme précis, mais de sensibiliser les élèves à sa propre culture, de quelque manière que ce soit. Il ne doit donc surtout pas s'interdire de faire autre chose que ce qui était prévu, si telle est la demande des élèves. Les moments de discussion avec les élèves, s'ils se font en français ou du moins à propos de la France, ne sont absolument pas du temps perdu, selon moi.

Je ne crois d'ailleurs pas que les élèves doivent spécialement retenir des choses vues avec le lecteur. C'est pour cela que j'étais pas trop d'accord avec les profs qui me demandaient de préparer des questions à poser ensuite aux élèves "pour que mes interventions soient utiles". Selon moi, le lecteur doit transmettre aux élèves le goût du pays et de sa culture. S'il réussit cela, il aura été utile. Peu importe de ce que les élèves auront retenu de concret des interventions du lecteur.

A propos de l'utilisation de la langue française en cours: de la part du lecteur, selon moi, elle doit être systématique. Il n'y a que comme ça que les élèves peuvent progresser, en les obligeant à faire des efforts pour comprendre le lecteur. Par contre, concernant les élèves, je ne pense pas qu'il faille l'imposer. Qu'ils parlent en français ou non, l'important c'est qu'ils s'intéressent à la France. En effet, je suis intimement persuadé que la langue n'est finalement que secondaire dans un cours de langue. Une langue n'est qu'un outil, en l'occurrence c'est le support de la culture. Donnez l'envie à quelqu'un d'aller dans un pays, de s'intéresser à la culture, il apprendra la langue beaucoup plus facilement.

Plus que d'avoir fait progresser mes élèves en français, j'espère surtout les avoir poussé à aller en France, à lire des choses sur la France, à voir des films français, à manger des spécialités françaises, à écouter de la musique française… bref tout ce que je fais avec l'Italie!

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Salut Cyriel !

Quel dommage ton aventure italienne s'est terminée !!!!

Merci pour ce petit bilan de ton expérience en tant qu'assistant c'est très intéressant...cela fait aussi deux années de suite que je suis lectrice de français (malheureusement pas assez d'heures...c'est un job en plus) et je me retrouve beaucoup dans ce que tu écris !

Continue ton blog et fais nous partager d'autres aventures !

Cyriel a dit…

Salut Virka!

Merci!! Quel dommage comme tu dis... Heureusement, je suis bien occupé ici (préparation de concours), donc j'ai pas encore eu le temps de déprimer! Et puis j'ai encore plein de choses à mettre sur ce blog! On se croisera donc encore assez longtemps par commentaires interposés!

C'est indiscrêt de te demander ce que tu fais comme job principal?

A plus!

Anonyme a dit…

Salut Cyriel!

merci pour ce blog très intéressant sur ton expérience a Bologne!
j'aurais aimé de te demander 2 ou 3 choses à propos de ton assistanat si tu n'y vois pas d'inconvénient)...je suis moi même en train de fair mon dossier de candidature pour un poste d'assistante en Italie l'an prochain ...et l'Emilie-Romagne me plairait particulièrement . (aurais-tu quelques conseils /pistes à me donner pour étayer ma motivation pr cette région en particulier?)
merci d'avance

Claire

Cyriel a dit…

Bonjour Claire!

Merci pour ton commentaire. bien sûr, j'accepte de répondre à toutes tes questions! C'est même avec grand plaisir.

Cyriel