7 mois d'immersion en Italie, à Bologne. Expérience inoubliable dont ce blog n'est qu'un aperçu, j'ai essayé de partager avec le plus grand nombre mes découvertes, mes voyages, et quelques réflexions sur ce pays qui me fascine tant.

Mois après mois

22 février 2006

L'Italie laïque? Qui a cru s'y fier...!

Encore plus forte que la vache folle, plus virulente que la fièvre aphteuse, et plus inattendue que la grippe aviaire, l’Italie est frappée par une nouvelle maladie : la schizophrénie du symbole.

En effet, le Conseil d'Etat (la plus haute juridiction italienne) a, après trois ans de procédure, rejeté la demande d’une mère d’origine finlandaise qui réclamait le retrait des crucifix des écoles publiques (elle voulait faire une croix sur le crucifix), en statuant que « le crucifix est un symbole approprié pour exprimer les valeurs civiles qui définissent la laïcité ». Si j’ai bien compris, le symbole du christianisme est donc devenu un symbole de laïcité.

Le jugement précise que « le crucifix peut prendre plusieurs significations selon le lieu dans lequel il est installé. S’il est dans un lieu de culte, c’est exclusivement un symbole religieux, mais dans une école, il remplit une fonction symbolique éducative à dissocier de la foi exercée par les élèves ».

Vous comprenez maintenant pourquoi je parle de schizophrénie : que l’on juge bon de laisser les crucifix dans les salles de classe parce que, hier comme aujourd’hui, l’histoire de l’Italie est inévitablement liée à celle de l’Eglise, soit. C’est une position que je ne partage pas, mais qui a au moins le mérite d’être intellectuellement honnête.

Par contre, que l’on arrive à cette décision en utilisant des normes de 1924 et 1927 relatives à l’ameublement des classes (véridique !), en jouant sur les mots à ce point là, et, finalement, en évitant d’aborder ouvertement la question de la laïcité, est, sans jeu de mot, d’une mauvaise foi incroyable.

En effet, la sentence est tournée de telle manière qu’elle ne viole pas l’article 7 de la constitution italienne qui évoque le principe de laïcité de l’Etat, car elle transforme le symbole religieux en symbole de laïcité.

Je fais mien le commentaire d’Enrico Boselli, leader du parti de centre-gauche La Rosa nel Pugno, qui a fait de la laïcité son cheval de bataille : « cette décision n’est pas défendable sur le plan de l’évidence et de la raison même ». Tout simplement.

Mais bien évidemment, le ministre de la culture Rocco Buttiglione a lui estimé que cette décision était « éclairée ».

Il faudrait rajouter un peu de lumière à ce jugement : le mot juste est « illuminée ».

2 commentaires:

Anonyme a dit…

La première fois que je suis entrée dans l'école où je suis assistante de français :-) (une de mes activités ici) j'ai été vraiment surprise...ce n'est pas un crucifix mais un débordement d'images religieuses ! Dans le bureau du proviseur, les classes, les dessins et travaux manuels des élèves partout...PARTOUUUUUUUT !
ça fait bizarre...

Cyriel a dit…

Coucou! Décidément, tu es une fidèle lectrice! Ca fait plaisir... Dès que je récupère mon ordinateur, je pourrai (enfin!) aller lire ton blog. Je me ferai connaitre!

A propos de la religion, c'est clair que l'histoire du crucifix, c'est seulement la pointe imergée de l'iceberg. C'est justement ça que je reproche à cette décision, c'est de ne pas avoir profité de l'occasion pour clarifier les choses, dans un sens comme dans l'autre. C'est un gros statu quo, et l'Italie n'est laique que dans la théorie. C'est dommage!